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Fascisme "social" et social-fascisme (3)

Publié le par redskinhead de France

Début du texte ici, deuxième partie ici.

 

 

hybride.jpgQuels que soient les destins personnels ou celui des organisations spécifiques, en période de crise économique et d’offensive prolétaire face à l’exploitation de plus en plus brutale qui en découle, fascisme « social » et social-fascisme tendent à se rejoindre idéologiquement et pratiquement jusqu’à la synthèse.

 

Dans les deux cas à aucun moment, le mode de production capitaliste est mis en cause, à aucun moment on ne parle de la lutte de classes comme autre chose qu’un épiphénomène qui doit être subordonné à des intérêts supérieurs. En effet les deux groupes sont tous deux issus de la bourgeoisie et tous deux veulent récupérer le mode de production capitaliste en l’amendant à la marge soit par la production locale, soit par une nationalisation de certains secteurs d’activité.

 

 A force de converger l’un vers l’autre fascisme « social » et social-fascisme ne vont pas toiletter leurs propositions politiques vers le centre timoré et devenir des partis démocrates. Ils vont tous deux se mouvoir dans une spirale où l’un va surenchérir sur l’autre .Le fascisme « social » en France est un moment de la montée en puissance du fascisme pour trouver plus de débouchés électoraux. Le social-fascisme en France c’est vouloir présenter une alternative « radicale » de gauche avec des fondements bourgeois et en plagiant les thématiques sécuritaires et identitaires (être un « bon » républicain, savoir défendre sa « nation »…).Hormis la force autonome du prolétariat et la prise totale du pouvoir politique et économique, rien ne peut arrêter cette spirale déclenchée par la bourgeoisie justement en réaction à la crise révolutionnaire déjà ouverte.

 

La tentation social-démocrate ne mène elle non plus nulle part ailleurs qu’au fascisme, quand les deux classes antagonistes en sont au stade de l’affrontement inéluctable. Face à la progression fasciste, face à une lame de fond qui donne l’impression superficielle que tout à tendance à,  dériver vers le brun, même le rouge, la tentation du « moins pire » est grande même chez des militants sincères. En France, le mouvement ouvrier reste très attaché au Front Populaire : seulement, l’enseignement officiel et également la propagande des bureaucraties socio-démocrates a totalement travesti ce qu’il fut réellement : le P « C »F notamment pour justifier sa participation aux gouvernements de « gauche » a transformé ce que fut la dialectique du parti communiste de l’époque en 36 et après.

 

Le Front Populaire n’a jamais été la collaboration pacifique avec la social démocratie, mais une paix armée : du 9 février 1934 , moment où la base ouvrière social-démocrate répond à l’appel du PC dans la rue, forçant la direction de la SFIO à appeler à son tour à la réaction antifasciste et à l’unité, aux évènements de février 1937, ou le gouvernement fait tirer sur les militants communistes de Clichy sur Seine qui tentent d’empêcher un meeting fasciste, le Front Populaire reste une contradiction permanente, un affrontement intense dans l’unité.

 

Pas du tout une collaboration avec la direction de la social-démocratie. Tout simplement parce que la stratégie du Komintern repose sur une analyse des évènements européens : s’il est parfois possible de gagner du temps, comme en France, de toute façon, la social démocratie va pencher du côté du fascisme comme elle l’a fait depuis longtemps en Allemagne, à terme, elle ne peut que favoriser son développement en affaiblissant le mouvement de classe.

 

La théorie stratégique du Komintern, la phrase restée célèbre « Le fascisme et la social-démocratie sont des frères jumeaux », ne sort pas de nulle part : elle est le fruit de l’expérience communiste allemande, celle d’un parti qui nait dans le sang et voit ses dirigeants assassinés peu de temps après sa création par un Ministre du SPD qui s’est allié avec les forces pré-fascistes des corps francs dès 1919.

 

paradoxal.jpgL’émergence des nazis revient en grande partie à la complaisance du SPD. Le Parti social-démocrate (SPD) se rangea du côté de l’ordre bourgeois en 1914 et devint le pilier principal de l’Etat bourgeois dans la République de Weimar. Après la Première Guerre mondiale, il organisa l’écrasement de la révolution prolétarienne et les meurtres de Rosa Luxembourg et de Karl Liebknecht. Dans les dernières années de Weimar, il appuya le gouvernement d’Heinrich Brüning qui attaqua la classe ouvrière par des décrets d’urgence.  La situation du Parti communiste était cependant différente.

 

 Le KPD (Kommunistische Partei Deutschlands) avait été fondé en 1919 en réplique aux trahisons du SPD. Il comptait parmi ses rangs les éléments les plus révolutionnaires de la classe ouvrière et il défendait des objectifs révolutionnaires. En Allemagne, le SPD a participé à différents gouvernements et à la répression sanglante contre les communistes, empêchant systématiquement toute union réelle. La ligne a été la même en Autriche. Ceci a ouvert un boulevard royal offert aux nazis.

 

Le KPD est alors « coincé » entre le marteau social-démocrate et l'enclume nazie. Les nazis occupent la rue et organisent les masses, principalement les classes moyennes. Le SPD empêche le KPD d'organiser l'ensemble de la classe ouvrière. Le KPD est obligé de conclure « La social-démocratie est votre ennemi. La social-démocratie amène le conciliateur et le ministre du travail au capital des trusts. La social-démocratie a ouvert l'attaque contre les organisations révolutionnaires du prolétariat. La social-démocratie augmente le poids des impôts du peuple travailleur et les cadeaux à l'Etat capitaliste par sacs d'argent. La social-démocratie laisse construire des cuirassés par votre ministère. La social-démocratie est la meilleure troupe de défense pour la bourgeoisie allemande, est le bélier le plus large du fascisme et de l'impérialisme » (13 avril 1929, Le Drapeau Rouge).

Il y a en février 1932 six millions de chômeurs en Allemagne. Le KPD mène alors une lutte sur tous les fronts; les manifestations sont quotidiennes. Les affrontements avec les nazis sont monnaie courante. Les communistes vont jusqu'à porter la contradiction dans les meetings nazis; le slogan du KPD est « attaquer les fascistes là où on les trouve ». En octobre se forme l' « action antifasciste », afin d'élargir encore plus le front. Si les nazis deviennent le premier parti en terme de voix en 1932, dès novembre 1932.

 

Depuis et jusqu’à aujourd’hui, la social-démocratie n’a jamais changé de stratégie : elle peut appeler à l’antifascisme « formel », elle peut défiler dans la rue contre les fascistes, comme en avril 2002 en France.

Mais lorsqu’il faut agir, choisir et trancher, le choix est vite fait, la destruction du mouvement de classe est toujours prioritaire, quitte à ce qu’elle laisse un boulevard aux fascistes.

Aujourd’hui, de nouveau, la social-démocratie manifeste contre « le racisme » : affolés par la montée en puissance de l’extrême droite, certains antifascistes sincères voient comme un moindre mal le fait de manifester avec SOS Racisme contre un meeting du Bloc Identitaire et de Riposte Laique ou contre le congrès du Front National.

Mais ce faisant, ils redonnent du crédit à une gauche plurielle qui, par ailleurs tient le même discours que le Front National depuis le congrès de Villepinte, aux Manuel Valls ou aux époux Sarrazin en Allemagne. Ils redonnent également du crédit supplémentaire aux émanations du fascisme social : ses militants ont beau jeu, alors de présenter l’antifascisme comme une émanation de la bourgeoisie et de la « gauche caviar ».

 

Et ceux qui pensent que l’apport des organisations socio-démocrates est l’occasion d’être plus nombreux face aux fascistes oublient qu’il s’agit d’être plus nombreux pour ne rien faire.

En Autriche, en 1934, le parti social-démocrate appelait certes à des manifestations et des protestations « pacifiques » contre la prise du pouvoir des fascistes, mais pour mieux repousser la grève et l’affrontement direct au lendemain jusqu’à ce qu’il soit trop tard.

Aujourd’hui, dans des pays comme la Pologne ou un mouvement antifasciste autonome et massif a émergé au fil des années, la fraction social-démocrate a rejoint le mouvement, mais uniquement  pourtenter de transformer les actions de blocage des manifestations fascistes en joyeux défilés pacifiques et totalement inefficaces.

 

Autonomie, réalisme, intransigeance, optimisme révolutionnaire.

 

resistance.jpgOui, mais alors, votre front antifasciste revient à ne faire front avec personne ?

 

Cette question-là revient tout le temps, sur le mode ironique et dédaigneux, de la part de militants « antifascistes », lorsqu’on pointe leurs incohérences sur le terrain, qui les amènent à tolérer des socio-fascistes parce qu’ils sont « radicaux » ou à s’allier pour la énième fois avec les bureaucraties socio-démocrates syndicales ou politiques.

 

Les mêmes gauchistes qui vont saluer les révolutions tunisiennes ou égyptiennes et la capacité d’auto-organisation du prolétariat ailleurs, viendront nous expliquer qu’en France, il « faut bien s’appuyer sur ce qui existe pour ne pas s’isoler ».

Les fétichistes prétendument léninistes, toujours prêts à revendiquer Octobre à leur compte, oublient que le premier acte de Lénine de retour en Russie a été de trancher immédiatement avec la politique d’alliance avec les socio-démocrates menée sous le prétexte que « le peuple était avec le PSOD ».

 

Lénine, l’anti-anarchiste était pourtant prêt à défendre seul cette ligne dans la Pravda : non pas par individualisme, mais parce qu’il avait analysé l’état du rapport de forces, la possibilité quasi immédiate de la Révolution et la seule alternative existante pour la bourgeoisie face à la montée de l’autonomie prolétarienne : la barbarie totale et l’écrasement du mouvement.

Quand il y deux voies, il n’y en a pas trois : l’optimisme révolutionnaire, celui qui conduit à adopter une ligne analysée superficiellement comme de l’isolement, est juste de l’anticipation fondée sur l’analyse matérialiste des rapports de classe qui sous-tendent les structures politiques .

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